Ronronnements, Gourmandises et Moustaches
Au coeur de la rue d’Auron, dans un cadre tout à fait atypique, Joanna, David et Wioletta vous ouvrent les portes de ce qui à nos yeux, se trouve être bien plus qu’un simple bar à chats. Si ce lieu semble si apaisant et hors du temps, c’est parce qu’au-delà de ses pensionnaires à croquer qui se baladent et ronronnent, se trouve une volonté à toute épreuve de satisfaire les chats comme les clients, dans le respect et la bonne humeur.
Quels étaient vos parcours avant de vous lancer dans ce concept ?
Joanna : Je suis originaire de Pologne, quand j’étais plus petite, j’ai visité Paris et je suis tombée amoureuse de la France, de la langue, de la culture. J’ai fait mes études de Tourisme au Pays de Galles, puis à la Rochelle, et ensuite à Bordeaux. J’y suis ensuite restée et j’ai travaillé dans un hôtel comme femme de ménage, ensuite aux petits-déjeuners puis au restaurant et à la réception.
David : Alors moi je suis originaire de Nice, je suis issu également de l’hôtellerie, j’ai commencé par le service et la réception jusqu’à la direction globalement. J’ai beaucoup bougé, de Nice je suis allé en Angleterre et ensuite à Bordeaux où j’ai rencontré Joanna. Pour finir, je suis venu à Bourges pour une opportunité professionnelle, et Joanna m’a suivi quelques semaines plus tard.
Joanna : Quand je suis arrivée, j’ai retrouvé du travail dans des hôtels à Bourges, et quand j’ai commencé à me demander ce que je voulais faire plus tard, la Covid est arrivée.
Comment est né le projet du bar à chats ?
Joanna : À la base, je voulais simplement ouvrir un café créatif, car j’adore la broderie, le scrapbooking, le crochet…. Et puis, nous avons visité à Bordeaux un bar à chats. Je me suis dit que je pouvais réunir mes quatre passions : les loisirs créatifs, le café et le thé, et les chats. C’est donc après la Covid que j’ai entamé toutes les démarches : j’ai fait une formation à la CCI pour valider mon business plan et mieux connaître le métier d’entrepreneur, ensuite trouver le fi nancement grâce à une conseillère extraordinaire qui a beaucoup adhéré au projet (elle a même adopté un chat au Boule de Poils) et au prêt d’honneur par Initiative Cher.
David : Bien avant la Covid, on parlait déjà de son idée de café, c’était son rêve depuis très longtemps. C’est Joanna qui gère le bar à chats, moi je continue à travailler à côté. J’étais surtout là pour le côté technique, comptable, création de société, le business plan, des choses qui étaient beaucoup plus liées à mon activité. J’ai aussi contribué aux travaux, on a tout fait nous même, que ce soient les cloisons, la déco, la peinture, même la terrasse. Avant ce local était occupé par un opticien. Il a fallu imaginer le lieu, créer la cuisine, la décoration, les espaces pour les chats, … On a eu une grande phase de doute avant le lancement, parce qu’au niveau de l’accompagnement, 90% des personnes à qui on exposait notre projet nous disaient qu’on allait échouer. Un projet atypique et original comme le nôtre, ça faisait peur pour une ville de la taille de Bourges. On a donc commencé à sonder sur les réseaux le projet, et le gros du travail a été de bien expliquer notre concept au public, le rôle des chats et le coin restauration.
J’imagine que l’ouverture devait être très attendue.
Joanna : On n’était pas prêt ! En premier, la machine à café est arrivée la veille de l’ouverture. Si on ne connaît pas la machine, on ne peut pas faire de bons cafés. On a même hésité à repousser la date d’ouverture pour mieux la maîtriser. Finalement, on est resté toute la journée et une partie de la nuit pour être prêt. Ensuite, je devais ouvrir seule, David travaillait ce jour-là. Il y avait le stress de l’ouverture, les gens commençaient à arriver. Dix minutes avant d’ouvrir les portes, il est arrivé et m’a dit « tu pensais que j’allais te laisser toute seule ? ». C’était parfait. Un de mes anciens collègues est venu lui aussi, au départ pour l’inauguration, mais finalement, il a fini à la plonge.
Il y avait la queue et je n’avais pas encore la terrasse, donc je ne pouvais pas encore accueillir tout le monde, les gens attendaient… La plus grosse table, c’était tous les membres de l’association de protection des chats avec qui nous travaillons. On a d’ailleurs eu des mécontents car le bar était tout le temps complet les premiers jours.
David : On a fini certains travaux la veille, il y avait tous les petits détails. Et puis surtout, la machine à café a fui le matin même de l’ouverture, un raccord de plomberie qui s’est dit « non je lâche ».
Joanna : Ce qui a été difficile aussi, c’est qu’à l’ouverture il n’y avait que 3 chats. Ils sont arrivés une semaine avant l’ouverture pour s’habituer au lieu, mais malgré tout, c’était très stressant de voir tout ce monde d’un coup. Heureusement, il y avait aussi Sushi, mon chat. Comme il est très sociable et câlin, je savais qu’il ferait le job, être présent auprès des gens et mettre en confiance les autres chats dans ce cadre.
Même si ce sont eux les résidents principaux, l’arrivée d’un chat doit toujours être un événement pas ordinaire, pour vous comme pour eux.
Joanna : Mine de rien, on passe ici 10h par jour , 6 jours sur 7, donc on peut voir leurs comportements. Si on voit que ça ne marche pas, on contacte l’association pour que le chat retourne dans sa famille d’accueil, car en premier il y a le bien-être du chat qui entre en jeu.
David : Après, quand un chat arrive, il y a une première phase d’adaptation. On les laisse tranquilles, ils se cachent, on les nourrit à part le temps qu’ils intègrent le groupe, et on ne crée pas de contact tout de suite, on les laisse venir. Une fois qu’ils se sont familiarisés avec ce nouveau cadre de vie, on commence à plus les approcher et établir un lien. C’est toujours eux qui nous donnent le feu vert, le but ce n’est pas de les brusquer, mais réellement de suivre leur rythme.
Parlez-nous de la carte.
Joanna : Mon souhait, c’était de faire du 100% fait maison, avec une carte qui change tous les mois. Ça demande plus de travail, de préparation, de réflexion et de recherches, mais c’était mon choix.
En ce qui concerne mes créations, j’ai toujours à la carte trois types de boissons gourmandes ainsi que trois à quatre gâteaux. Ces éléments sont vraiment uniques : le café pétillant et le café à la lavande avec du lait d’amandes, le cookie chamallow pépite de chocolat, le muffin aux épinards, ou encore le cookie à la lavande et chocolat blanc…
Les produits que j’utilise sont majoritairement locaux. Par exemple, je privilégie les sirops et les purées Monin, et du côté d’Orléans, je me procure des infusions hibiscus de la marque 3LS ainsi que des boissons gazeuses aux fruits de chez Vibes ( poire-gingembre, orange-pêche blanche ou ananas-pamplemousse ). Et naturellement, le café provient de la Torréfaction d’Auron qui se trouve juste en face.
De plus, je veille à toujours proposer des options véganes et sans gluten à la carte. J’aime varier les recettes en utilisant des ingrédients comme la farine de coco, la farine de châtaigne, le lait d’amandes et le lait de soja.
Et pour ce qui concerne les nouveautés, cet été, nous avons proposé une planche salée comprenant des tapas faits maison, de la charcuterie et du fromage ainsi que des bagels. Et lorsque l’hiver reviendra, je reproposerai des soupes et du vin chaud sans alcool.
Parlez-nous de l’association Espoir Félin et de l’adoption des chats.
Joanna : Les membres de l’association sont essentiellement des familles d’accueil. Ils viennent régulièrement, on discute, la présidente vient quasiment tous les jours. Les chats sont d’abord pris en charge par l’association, ils les placent dans une première famille d’accueil, ensuite ils sont stérilisés, castrés, vaccinés et identifiés si ce n’est pas fait avant. C’est là qu’on peut analyser leur comportement et voir s’ils peuvent venir, car certains chats ne seront pas à l’aise ici ( la quantité d’autres animaux, les gens, le contact, etc ). Il faut qu’on soit sûr qu’ils peuvent venir ici pour leur bienêtre et pour les proposer à l’adoption.
Tout d’abord, nous ne sommes pas un magasin de chats ! Ici, les gens ont le temps de venir plusieurs fois pour créer un lien avec les chats, les voir à différents moments de la journée, quand ils dorment, quand ils jouent. On discute, moi je pose des questions par rapport aux futurs adoptants, s’il y a des enfants, d’autres chats, s’ils ont un balcon, une terrasse, si c’est en maison ou en appartement, pour déjà les guider vers un chat.
Les chats à l’adoption sont uniquement des adultes ou des chats âgés. Les chatons sont plus faciles à faire adopter pour une association, et le bar à chats permet aux gens de se familiariser avec un chat adulte qui a déjà son caractère. Les frais d’adoption reviennent à l’association, ils permettent de couvrir la stérilisation, la castration, l’identification, le vermifuge, les vaccins et le test pour le sida du chat. Ensuite on fixe une date, très souvent le soir après la fermeture quand c’est plus calme, on signe les papiers, je fais un dernier bisou à mon pensionnaire, je les laisse partir et je pleure … je m’attache beaucoup à ces petites bêtes. Depuis l’ouverture, il y a eu 42 adoptions.
Au vu de vos engagements et votre amour pour les chats, comment avezvous trouvé l’équilibre de leur place ?
Joanna : On a d’abord visité quelques bars à chats, comme celui de Bordeaux , de Cracovie et celui de Tours pour voir l’ambiance et s’inspirer.
David : La grande différence c’est que dans les bars à chats qu’on avait fait jusqu’à maintenant, les chats n’étaient pas à l’adoption, ils étaient résidents des lieux, et ça ne nous plaisait pas. Il était impératif pour nous de trouver une association qui était engagée pour le bien-être des chats qui allait participer au projet. On voulait vraiment pouvoir leur donner une chance, faire notre petit geste à notre échelle, c’était vraiment une condition importante.
Joanna : Ensuite, les chats sont les rois ici, on est chez eux. Il ne faut pas les porter, ni les réveiller ou les pousser de là où ils dorment, même si ce sont les chaises du bar. Ce sont eux qui font que ce lieu est unique, alors nous leur devons bien ça.
David : Tout a été pensé dans le café pour les chats. Par exemple, l’espace cuisine est vraiment petit, mais il permet de garder un maximum de place pour eux.
Joanna : Tous les matins quand j’arrive, ils reconnaissent le bruit des clés, et je mets jusqu’à 10 minutes pour réussir à rentrer avec tous les chats derrière la porte. Ensuite, ils mangent tous ensemble, et les premiers commencent à sortir sur la terrasse pendant que je rentre en cuisine. Après, ils font leur vie, certains dorment, d’autres jouent, et il y a les explorateurs qui cherchent des cachettes aussi. Après la fermeture, il faut les faire rentrer, les compter, passer du temps avec eux, puis je cache tout pour la nuit. Sinon le lendemain, je retrouve des boîtes de thé ouvertes, des fauteuils par terre, des verres cassés…
David : On a même retrouvé un jour un robinet ouvert. Même s’il y a des accidents, c‘est leur maison, on est chez eux.
Quel est votre meilleur souvenir au Boule de Poils ?
David : Moi ce serait l’ouverture. C’est l’accomplissement de plusieurs mois de travail, et les galères que nous avons rencontrées sont devenues aujourd’hui de bons souvenirs.
Joanna : Pour moi, ce sera les adoptions, et surtout celle de Pan, un de mes premiers pensionnaires. Il était timide, il se cachait souvent, et faisait pleins de bêtises. Un jour un monsieur est rentré et m’a raconté son histoire. Il venait de perdre son chat, il ne voulait pas adopter mais cherchait leur compagnie. Il est venu plusieurs fois, sur la terrasse, et un jour Pan est venu vers lui. Ils sont restés entre trois et quatre heures tous les deux un dimanche matin. Ça a duré presque trois semaines, et puis le monsieur m’a demandé : « Comment ça se passe pour l’adoption ? ». Je me suis effondrée en larmes et j’ai dit « Pan, on va partir sur Pan ». J’ai des nouvelles d’eux quasiment tous les mois, ils se sont bien trouvés. C’était le plus beau moment.
Si vous souhaitez connaître plus d’histoires sur les pensionnaires du Boule de Poils et leurs aventures, on vous laisse le soin de poser la question à Joanna. Elle a beaucoup d’histoires comme celle-ci à vous raconter, comme celle de Henry Cat, ou Alice et Walter…
T'as ti vu ce qu'en pense l'équipe ?
Il est difficile de ne pas faire partie des personnes que nous souhaitons mettre en valeur quand on réunit conviction, dévouement et volonté. C’est tout ce qui représente Joanna et son bar à chats, en vous accueillant de manière chaleureuse dans un cadre cocooning, en proposant des produits locaux et des créations faites maisons, et en recueillant des pensionnaires en attente d’une seconde chance.
Si la terrasse et les jus sont très appréciables par cette météo, nous ne sommes dans l’attente que d’une seule chose, l’hiver et ses chocolats chauds accompagnés d’un cookie et d’un chat sur les genoux.
Interview réalisée sur la terrasse du Boule de Poils le 17/08/2023
avec la participation de Joanna & David
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