Chloé, une photographe passionnée : De Bourges aux plateaux de cinéma européens !
On va vous présenter Chloé, une photographe berruyère de souche qui parcourt l’Europe et les plateaux de cinéma. Un métier qui découle d’une passion brûlante pour le cinéma. Au fil des opportunités et des rencontres, Chloé va nous montrer qu’avec un peu d’audace et beaucoup d’envie, on peut être capable de s’ouvrir pleins de portes !
Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Chloé, j’ai 36 ans et je suis née à Bourges. J’ai fait des études de Lettres à Alain-Fournier, puis j’ai poursuivi en fac dans l’édition en Île-de-France. Ensuite, je suis partie au Canada pendant 4 ans pour faire de la vente, et quand je suis revenue, j’ai fait une école dans l’automobile.
L’automobile ? Comment en es-tu arrivé à la photographie alors ?
Mon père avait un studio photo à Bourges, il était surtout photographe de mariage. Du coup, j’ai toujours baigné là-dedans, je faisais un peu de photos en amateur. Un jour, je suis allée voir une pièce de théâtre à Paris que j’ai adorée, et j’ai envoyé un message sur le groupe spectacle en disant que c’était super cool. Ils ont consulté ma page Facebook et ont vu que je faisais des photos, mais seulement pour les particuliers. C’est là qu’ils m’ont demandée si ça m’intéressait de faire des photos de leur spectacle ! Je ne savais pas vraiment comment faire, mais j’ai dit oui, et c’est comme ça que tout a commencé, il y a maintenant 7 ans. Pour la petite histoire, ce spectacle était une comédie musicale que j’avais été forcée de voir au Canada 10 ans plus tôt, alors que ça ne m’intéressait pas du tout. Finalement, j’ai adoré le spectacle et j’ai acheté le CD qui tournait en boucle dans ma voiture. Un jour, ce spectacle a été repris par une troupe italienne, exceptionnellement de passage à Paris, et j’ai pris des places. Si 10 ans plus tôt je n’avais pas vu ce spectacle, je n’aurais peut-être jamais fait ce métier.
Et comment cette opportunité t’a fait changé de métier ?
Cette troupe s’est ensuite séparée pour travailler dans d’autres productions théâtrales, et j’ai suivi chaque personne dans leurs nouvelles aventures. Je suis donc allée en Italie, en Espagne, en Angleterre. Ça n’a pas été un déclic immédiat parce que c’était tout nouveau, mais j’ai trouvé l’ambiance sympa, et mettre en valeur des gens qui aimaient leur travail et qui étaient passionnés, c’était génial.
Suite à cela, j’ai eu de plus en plus de demandes, et j’ai continué. La même année où j’ai commencé le théâtre, des amis qui se mariaient m’ont demandée de faire leurs photos de mariage. Ils ont aimé les photos que j’ai prises, puis des amis à eux m’ont demandé, puis encore d’autres, et ainsi de suite.
Petite, tu avais déjà cette passion ?
Quand je suivais mon père qui faisait des reportages de mariage, j’avais dix ans, et je venais juste pour voir la robe de la mariée et porter le sac de mon père. J’avais l’impression que son métier consistait à voir des princesses. Parfois, je l’accompagnais sur des cours photo qu’il donnait à l’IUT, c’était tous les soirs, et ça me permettait de sortir et d’apprendre des trucs, à l’époque c’était de l’argentique.
Donc tu es devenu photographe de mariage et de plateau ?
Je travaille aussi avec des entreprises, par exemple ça fait un an que j’ai la chance de collaborer avec Pat à Pain, et ça me fait plaisir de travailler avec quelqu’un qui est d’ici. Quelle que soit l’entreprise et son activité, je m’adapte aux besoins, mais j’ai encore plus de satisfaction lorsque je travaille avec une entreprise locale.
Tu as une autre opportunité liée au cinéma…
Juste après la Covid, donc en 2021, j’ai eu l’occasion de travailler pour une pièce au théâtre Mogador à Paris, et j’ai rencontré une personne qui participait à un court métrage quelques mois après, et j’ai saisi ma chance. Parmi les acteurs de ce court métrage, il y avait David Salles, avec qui je me suis super bien entendue. Il se trouve que c’était le Directeur Artistique de Jamel Debbouze, et quelques semaines après, il commençait à tourner une production pour lui sur « La Petite Histoire de France ». Il y avait déjà un photographe en place, mais il m’a dit : « Si tu veux, viens deux ou trois jours, juste pour essayer ». Je les ai rejoints et Jamel a sélectionné toutes mes photos. Ce que je ne savais pas à ce moment, c’est que Jamel cherchait un nouveau photographe, en fait il m’a choisie ce jour là !
Donc l’essai a été concluant et une nouvelle porte s’est ouverte ?
Pour la saison suivante, j’ai été recontactée par lui, car son photographe attitré depuis plus de 17 ans avait envie de faire autre chose. Donc, il est resté encore un tout petit peu, mais l’objectif était que je le remplace. Maintenant, je le suis au théâtre, au cinéma, avec le Jamel Comedy Club, les films et les séries, c’est hyper varié. Ce qui est bien, c’est que même si le tournage dure 5 jours dans la semaine, la production cible les scènes importantes et les moments-clés, et je ne me déplace que lorsqu’ils ont besoin de moi. Cela me laisse du temps pour les mariages, les entreprises et toutes mes activités annexes de photographe.
Quel est le rôle d’un photographe dans le cinéma ?
En tant que photographe de plateau pour le cinéma, il y a trois choses très différentes. D’abord, il y a l’affiche, donc là c’est un shooting très spécifique pendant le tournage. Ensuite, il y a le plan principal, où il faut avoir exactement le même cadrage que la caméra pour que le spectateur voie une image présente dans le film. Enfin, il y a les photos d’ambiance, avec les techniciens, les équipes, les acteurs, en dehors du tournage, vraiment en coulisses. Personnellement, c’est ce que je trouve le plus intéressant, car c’est là que tu vois la construction du film et que tu te rends compte de tout ce qu’il y a autour. J’ai toujours une grande liberté sur mes photos, je ne sais pas si c’est une chance ou si c’est partout pareil, mais en dehors des exigences de départ de chacun, c’est plutôt libre. Par exemple, la dernière réalisatrice que j’ai eue me demandait justement de faire comme je voulais. Cela m’a permis de choisir d’autres angles, de tester de nouvelles choses. Ce qui m’a vachement touchée, c’est qu’à la fin du tournage, elle m’a dit : « Quand j’ai vu tes photos, je me suis dit qu’il y a certains plans que j’aurais vraiment dû filmer comme ça ».
Comment tu arrives à prendre ta place au sein de grandes équipes et montrer ton style ?
Quelque chose dont je ne suis pas peu fière, c’est quand j’ai commencé à travailler dans le théâtre, ils faisaient des programmes avec des photos qu’ils vendaient à l’entrée, et il fallait vraiment que ça représente la scène d’un bout à l’autre, qu’on comprenne l’histoire. Sauf qu’à l’époque, j’avais un appareil avec un super zoom, et j’aimais bien faire des portraits des acteurs qui jouaient, ou vraiment recadrer les scènes. Ce n’était pas quelque chose dont ils avaient besoin, mais finalement, au fur et à mesure, ils ont choisi ces photos-là pour les programmes, mais aussi des photos des coulisses, quand les acteurs s’habillaient, se maquillaient, etc. Je leur ai vendu l’idée de rendre accessible ce que les spectateurs ne peuvent pas voir, et le jour où j’ai ouvert un programme avec une double page contenant toutes les photos des coulisses, j’ai trouvé ça vraiment cool. C’était une approche moins commerciale que les programmes standards, mais mes suggestions et mon contenu, peu demandés mais que j’apprécie, ont trouvé leur place. Du coup, je fais pareil pour le cinéma, je capture les installations, les lumières, ce que les gens ne peuvent pas voir sur le résultat final, mais qui a permis sa réalisation.
Tu as aussi une de tes photos qui est devenue l’affiche d’un film !
Pendant le tournage d’un film, j’ai pris une photo sur une scène, et quelques jours après, le graphiste chargé de l’affiche m’a montré un croquis, une sorte de dessin qu’il avait imaginé. Il m’a dit : « Ça serait peut-être pas mal de faire un truc comme ça pour l’affiche », je lui ai répondu : « Attends, je l’ai cette photo, je l’ai prise la semaine dernière ! », et ils ont arrangé le truc comme ils ont pu et ils ont choisi celle-là. Le film, c’est En même temps de Benoît Delépine et Gustave Kervern, avec Vincent Macaigne et Jonathan Cohen. Et récemment, j’ai pris une photo de toute la troupe qui sert pour le nouveau générique du Jamel Comedy Club.
Allez on est curieux, balance-nous des noms !!
Ceux avec qui j’ai adoré travailler ? Dans la liste, il y a Jonathan Cohen, Jamel Debbouze, François Damiens, Isabelle Nanty, Hafsia Herzi, qui est une réalisatrice plusieurs fois nommée aux Césars, Bruno Salomone… Il y en a certains avec qui je ne suis pas forcément en phase avec leurs choix cinématographiques, mais quand tu te rapproches d’eux, tu apprends à les connaître et tu t’intéresses différemment à ce qu’ils font, et ça c’est chouette. Surtout qu’ils sont très sollicités pendant un tournage, alors quand je peux passer un moment avec eux, parfois lors d’un repas ou pendant quelques minutes sur une pause, c’est cool d’échanger avec la personne et non avec l’acteur, je me sens extrêmement privilégiée. Principalement, on a des barnums pour se poser et manger, et c’est des grandes tablées où chacun s’assoit où il veut. C’est un moment d’échange et de convivialité, car sur le plateau, tu dois tout le temps te taire pour la prise de son. Au théâtre, les relations sont différentes, c’est souvent de gros plateaux et de grosses troupes, donc tu ne passes pas ton temps à discuter avec les acteurs, mais la relation humaine est présente. Et parfois même ça se transforme en amour… car j’ai rencontré mon copain sur les planches !
As-tu rencontré des difficultés ou vu des évolutions par rapport aux mouvements #MeToo ou #Balancetonporc ?
Dans mes premières expériences en Italie, j’ai été victime d’un acteur, pas physiquement, mais verbalement, et c’était difficile de trouver un équilibre entre se faire respecter et ne pas mettre mon poste en danger, surtout quand tu débutes et que tu n’as pas de recul sur ce genre de situation. Par la suite, pour la majorité des personnes que j’ai rencontrées, les gens ont évolué, c’est une autre génération. C’est en discutant avec des techniciens et des gens ayant plus de 20 ans de métier dans ce domaine que j’ai pu constater le changement ; eux l’ont vu au fil des ans. Maintenant, les gens font plus attention, d’une part parce que les mentalités ont évolué, mais aussi parce qu’avec Internet, tout se sait et peut se diffuser très rapidement. Même si je pense qu’il reste encore du chemin à faire, on peut déjà observer de belles avancées sur ce sujet. Désormais, sur les tournages, il y a des listes des personnes présentes ainsi que des référents harcèlement, qui sont là pour signaler toute situation anormale et prendre en charge les personnes concernées en cas de problème.
Tu as déjà vécu un évènement marquant ?
Queen passait à Paris, c’était à l’Accor Arena, et la Covid est arrivée, décalant la date d’année en année. Je suis entrée en négociation avec eux ; après plusieurs refus et 150 mails, ils ont craqué et ont dit oui ! Ce qui était cool, c’est qu’en plus, j’ai fait tout le concert sur la scène, à l’arrière, donc avec leur point de vue, c’était improbable. Moment très drôle : quand le mec de la sécurité te ramène après le concert à la porte, tu deviens Cendrillon, passant du concert de Queen à toute seule dans la rue derrière la porte de l’Arena. Si j’ai autant insisté pour être la photographe de cet événement, c’est parce que je suis fan de Queen, et que mon premier CD était un de leur Best Of.
Au final, on dirait que c’était ton rêve de devenir photographe au cinéma non ?
Quand j’étais petite, j’étais fan de Buffy ; je passais ma vie à regarder ça. D’ailleurs, mes parents me disaient : « Ce n’est pas Buffy qui va te donner ton BAC ». Je me suis dit, coûte que coûte, il fallait que je trouve la possibilité de bosser dans ce milieu-là. J’ai commencé par écrire des scripts de Buffy, que mes parents ont fait semblant d’envoyer à Los Angeles, et c’est en regardant des génériques que j’ai vu qu’il y avait des photographes dans les films, et l’idée est venue un peu comme ça. Je suis toujours une grande consommatrice de films ; je vais au cinéma toutes les semaines, et c’est une vraie passion. Mes parents, aujourd’hui, même s’ils me disent qu’ils sont fiers, je pense surtout qu’ils sont contents de voir que j’arrive à vivre de ma passion. Un jour, il a eu une demande pour un mariage, et c’est ma mère qui a décroché. Elle a dit à la personne que moi aussi j’étais photographe, et elle a envoyé le book de mon père et le mien. La dame l’a rappelé le lendemain en disant qu’elle préférait mes photos, et là, mon père a dit : « C’est bon, j’arrête tout ! » Et ça a été la fin de sa carrière.
Argentique ou Numérique ?
Moi je peux faire que du numérique, je n’ai pas trop le choix avec mon travail, mais je trouve que pour tout ce que ça représente, les photos que mon père tirait en chambres noires, le concept, le côté authentique, je dirais l’argentique.
Noir et blanc ou couleur ?
Noir et blanc.
Conseil pour photographe amateur
Je n’ai jamais pris de cours, et je trouve que le feeling est très important, c’est ce qui nous différencie les uns des autres. C’est un œil, être présent à un instant précis ; même s’il y a des techniques incroyables et des montages possibles, c’est plus ce que je ressens, et ma spontanéité plutôt que quelque chose appris et répété.
T'as ti vu ce qu'en pense l'équipe ?
Complètement subjugué par le parcours de Chloé, et par ses anecdotes (on n’a pas pu tout mette là), on a passé un super moment avec elle. Pour l’histoire aussi, c’est Chloé, qui nous a gentiment fait nos premières photos il y a un an, avant qu’on ne lance le magazine, elle a eu droit à nos sourires ultra crispés… On confirme, elle a énormément de talent !!! Vous avez son site internet plus bas pour découvrir ça !
Interview réalisée à Dactyl Copie
le 23/07/2024 avec la participation
de Chloé Car
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