Là où chaque bouteille raconte une histoire
On vous emmène à la rencontre de Romain, passionné de bons crus et d’histoires à partager, accompagné dans la vie comme au travail par Charline, sa partenaire aussi pétillante qu’un champagne millésimé. Ensemble, ils forment un duo qui ne manque pas de saveur, tout comme les trésors qu’abrite leur établissement : La Cave à Pépé. Mais derrière ce nom plein de caractère se cache une histoire étonnante, émouvante et riche en anecdotes. Une histoire d’autant plus remarquable que Romain fait partie cette année des 40 meilleurs cavistes de France , une reconnaissance qui témoigne de son talent et de sa passion sans limites. Une aventure qui vous donnera une irrésistible envie de pousser la porte de cette cave pas comme les autres.
Peux-tu nous en dire un peu plus sur toi ?
Romain : Je suis issu du circuit de l’hôtellerie-restauration. Alors oui, caviste aujourd’hui, mais comme je n’arrête pas de le dire depuis toujours, à l’origine, je suis sommelier. Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, le sommelier, ce n’est pas le spécialiste du vin, c’est le spécialiste de ce qui se boit. On fait tout, de l’eau jusqu’au café en passant par tout le reste. Le travail a commencé assez rapidement. L’objectif était d’avoir une cave ; ça fait très longtemps que ça traîne en tête puisque c’est mon projet depuis que je suis gosse. Maintenant, est-ce qu’on allait réussir à s’y tenir ? Ce n’était pas forcément évident, mais les choses se sont faites. J’ai eu l’occasion d’être sommelier en restaurant, d’être chef sommelier dans un autre plus petit, d’être barman, autant en bar étoilé qu’en cave à bière traditionnelle, d’être vendeur en magasin à proprement parler. Dans l’idée, c’était vraiment de faire le maximum de choses. En fin de compte, sur tout le parcours, j’ai travaillé sur des vignobles, en cave, en bar, en quasiment tout ce qui traite le sujet. Pour arriver finalement à tenir une cave appartenant à une grande chaîne pendant deux ans, qui était l’expérience qui me manquait, l’expérience finale, donc la vraie expérience en cave.
C’est une expérience qui a donc renforcé ton envie de créer votre propre cave ?
Ce qui me plaisait le plus étant le conseil client en direct, c’est vraiment ce qui me pousse le plus dans l’univers de la sommellerie. Dans un restaurant, on n’a pas le temps de parler avec les gens parce qu’ils ont un repas à apprécier. Là, c’est un peu différent. Les gens viennent pour le conseil qu’on leur prodigue. Et là, c’est le jackpot pour moi. Quand on leur donne du temps, que les clients commencent à nous faire confiance, ils nous suivent complètement, et on a plein de personnes qui viennent exprès pour nous et nos conseils. Ça fait super plaisir.
Comment avez-vous décidé d’ouvrir cette cave et de choisir ce lieu ?
Une fois que je suis parti de la cave, j’ai fini de potasser un peu le projet, et on s’est dit que c’était peut-être le moment. Le hasard a fait que le local d’en face était disponible. La dame qui tenait le magasin de vêtements qui était ici avant, qui s’appelait Le Vestiaire des Tendances, est partie à la retraite pendant que j’étais en face. À la base, c’est une blague de sa part : « Quand je pars à la retraite, tu te barres d’ici, tu t’installes en face. » C’était rigolo au début. Puis, quand on était dans la recherche des locaux, on a fini par se rendre compte que de toute façon, l’emplacement, c’est le nerf de la guerre. Alors après beaucoup de concertation autour de nous, une conclusion est ressortie : quand tu vois dix concessionnaires autos au même endroit, ça ne te choque pas. Quand il y a trois restos face à face, ça ne choque personne non plus. Et quand il y a une rue entière de magasins de fringues, jusqu’à preuve du contraire, ce n’est pas un problème. Alors pourquoi est-ce que, d’un seul coup, si on met deux cavistes face à face, c’est la fin du monde ? Surtout quand on ne travaille pas du tout pareil. Le fait est que l’on a notre approche différente, notre façon de conseiller. L’idée, c’est qu’on a voulu s’installer rue Mirebeau en se disant : c’est notre quartier, on est habitué à ce quartier-là. Tu es déjà passé dans le coin, tu connais l’ambiance de la petite zone. On tenait à rester ici. L’emplacement, on est, entre guillemets, arrosé par le parking à Avaricum, qui est pratique, qui fait partie des choses un peu névralgiques pour nous.
Le quartier et donc la ville étaient importants pour vous ?
En fait, on n’est pas sur Bourges depuis extrêmement longtemps. Ma belle-famille habite ici depuis un petit peu de temps maintenant, mais nous, on est arrivé sur le tard : 2019. Nous étions de Limoges. Pour être clair, j’ai travaillé pendant un moment sur Lyon, à Clermont-Ferrand… Et une chose que je sais aujourd’hui : ne plus retourner dans une grande ville. Limoges, c’est mon max. J’aime bien les villes à échelle humaine et l’espèce d’effet un peu rigolo, presque un peu grand village plus que petite ville. Parce que vraiment, si je me cogne le genou en arrivant le matin, j’ai quelqu’un du bout de la rue, une heure plus tard, qui m’amène de la crème alors que je n’en ai parlé à personne. Et ça, c’est très rigolo comme cet état d’esprit de communauté que l’on a dans une petite ville.

Qu’est-ce qui fait la particularité de votre cave ?
Déjà, le magasin est ce qu’on appelle vivant. C’est-à-dire que je n’ai pas un catalogue. Ma boutique change tout le temps. Si tu reviens dans deux mois, j’ai probablement la moitié du rayon vin qui a changé. Une grosse partie du rayon bière qui n’est plus la même. Au niveau des spiritueux, c’est plus ou moins la même chose. L’idée, c’est qu’on a un espèce de turnover quasi constant, à quelques références près qu’on garde parce que ce sont nos chouchous. Sinon, le but, c’est vraiment que tu puisses venir au magasin tous les mois et te dire que tu vas toujours tomber sur quelque chose de différent, toujours particulier. Cette phrase que j’aime beaucoup, qui est : « Je ne connais aucun de vos produits ». C’était l’une des grandes lignes de notre projet, de mettre en avant des petits producteurs, des petits vignobles, des petites distilleries pour la bière. On avait envie de mettre en avant ces personnes qui ont à cœur de faire leur travail, mais qui font des petites productions.
Et donc justement, quelqu’un qui n’est pas connaisseur peut franchir votre porte ?
C’est ça l’idée. Tu mets le doigt sur un truc important… Il faut savoir que l’une des raisons pour lesquelles je ne suis plus dans la restauration en tant que sommelier aujourd’hui, c’est que j’adore le conseil, mais je n’aime pas tout le côté guindé, qui est souvent affilié à l’univers de la sommellerie. L’idée, c’était vraiment d’avoir quelque chose de beaucoup plus ouvert à tout le monde et de garder un état d’esprit familial, mais avec un conseil ultra-pro, en étant le plus précis par rapport aux besoins du client dans une gamme de prix logique. Et je m’adapte selon la personne que j’ai en face de moi. Je peux servir quelqu’un qui est un expert comme quelqu’un qui n’y connaît rien. Et j’incite les gens qui n’y connaissent rien à le faire, à passer la porte. Je vois beaucoup de clients qui ont entre 25 et 30 ans qui me disent qu’ils n’ont jamais bu de vin, par exemple : les habitudes de consommation ont beaucoup évolué.
Tu as remarqué que les habitudes de consommation avaient changé ?
On dit tous la même chose : consommer moins, mais mieux. En gros, on consomme moins souvent, en moins grande quantité, mais on se fait plaisir le jour où on le fait. Il y a vraiment eu un changement d’habitude de consommation, de réflexion autour de la boisson et de la façon d’acheter.
Tu entretiens cette proximité avec tes clients ?
L’objectif, c’est de garder cet état d’esprit, et je tutoie extrêmement facilement, volontairement, si je sens que c’est faisable bien sûr, mais je tutoie tout le monde. Si les gens ne veulent pas me tutoyer, ce n’est pas grave, mais ici, c’est comme ça. Le but du jeu, c’est de faire comprendre qu’on est là pour les accompagner. Si notre gamme te convient, c’est top, si elle ne te convient pas, je trouverai certainement un de mes voisins, un de mes collègues cavistes du coin qui aura peut-être ce qu’il faut. C’est vraiment tout sauf rare que j’oriente les gens vers d’autres choses, puisque le but du jeu, c’est que les gens trouvent ce qu’ils veulent. Vraiment, je ne veux pas leur fourguer un truc qu’ils ne veulent pas sous prétexte qu’ils ont passé la porte.
Et parle-nous de ce grand mystère : pourquoi « La Cave à Pépé » ?
Le nom « Pépé », ce n’est pas moi, effectivement. Pépé, c’est mon pépé : Jean-Marie. Donc, je l’appellerai toujours Pépé, parce que Jean-Marie, ça me paraissait bizarre. Pour faire simple : il était un enfant abandonné à un couvent, et il a décidé qu’il n’allait pas se laisser abattre et qu’il allait faire une grande famille pour avoir son cocon, son foyer. Il rencontre ma grand-mère et ils ont quatre filles qui ont toutes deux enfants. Il est entouré par sa famille tout le temps, il passe de très bons moments, il est plutôt bon vivant. Jusqu’ici, tout va bien. C’est quelqu’un de foncièrement gentil : un amour avec le cœur sur la main, quitte à se mettre dans la merde en permanence. Ça, c’est Pépé. En tout cas, c’était le mien. Il représente tout ce que je veux être plus tard, depuis gamin. J’ai toujours adoré sa façon de penser, entre autres parce que depuis toujours, il a cru en moi. J’en ai fait baver à mes parents à une époque. Lui, il avait beau savoir, il était quand même de mon côté. Ça fait partie des trucs importants dans la vie de quelqu’un pour se construire, et ça m’a permis, plus tard, de pouvoir me lancer, de me dire : Pépé, sa façon d’être me plaît. La façon dont les gens en parlent me plaît. J’aimerais, quand j’aurai son âge, si j’y arrive, que les gens parlent de moi comme on parlait de mon pépé. Mais il n’était absolument pas un spécialiste de la boisson.
Il a donc beaucoup inspiré cet endroit ?
L’idée, c’était de garder cet état d’esprit et de fusionner la façon qu’il avait d’être avec tout le monde et ma formation professionnelle de sommellerie dans le même lieu et, finalement, donner la boutique qu’on a aujourd’hui avec l’emblème de la boutique : une bouteille de vin qui porte une cravate. Cravate qui est celle de mon pépé, encadrée sur le côté, juste derrière le mur. C’est la vraie cravate de mon pépé. Je n’ai pas de photo de mon grand-père sans cette cravate !
Et pourquoi « à Pépé » et non « de Pépé » ?
Il faudrait dire « de Pépé », parce que je ne vends pas des Pépé (rire). Tout simplement parce que c’est une faute que je faisais tout le temps, gamin : je disais « la cave à… », « la maison à Pépé ».
L’intervention de Marie, salariée de l’association Le Tourne-Livres
Je suis bénévole de l’association depuis 10 ans, et depuis février je suis salariée. Ici, je m’occupe de l’animation de la boutique, de l’organisation des divers événements, de l’accueil des gens et de la gestion de la boutique, de la réception des livres, et aussi de toute la communication. En fait, ce sont plein de petites choses au quotidien.
En quelques chiffres, le Tourne-Livres, c’est environ 48 000 livres qui entrent par an, soit une moyenne de 4 000 livres et un passage de plus de 250 personnes par mois.
Nous sommes ouverts du lundi au samedi pour accueillir les gens et réceptionner les livres.
Tu proposes également des soirées dégustation ?
C’est les jeudis soir, sur réservation, mais également sous forme de soirées privées. Ce sont des soirées qui sont prédéterminées. J’ai les dates qui sont établies sur toute l’année. J’ai sorti le nouveau calendrier pour l’année prochaine fin novembre. C’est pour des groupes de six personnes minimum jusqu’à douze maximum. Ce ne sont pas des soirées cours magistraux, c’est de la thématique. L’idée, c’est qu’on ait une thématique à chaque fois. Traditionnellement, cette année, c’était soit bière, soit vin, soit alcool fort, l’un ou l’autre, des choses comme ça. Et on va jusqu’en fin novembre : on a la dernière de l’année qui est la soirée champagne. Je n’en fais qu’une par an, c’est la dernière de l’année. C’est normal, on marque le coup comme ça. L’idée, c’est que ça se passe sur la table au centre de la boutique. On a de quoi asseoir tout le monde et il y a également de quoi manger. On travaille toujours en partenariat avec des fromagers et boulangers du coin pour avoir de bonnes choses à manger pour tout le monde. On a généralement quatre produits à goûter, et on finit par un produit hors-piste, pour ceux qui veulent goûter une petite curiosité supplémentaire.
Charline, la touche féminine dans la vie de Romain, peux-tu te présenter ?
J’ai toujours aimé le commerce, depuis enfant. Je caressais l’espoir d’ouvrir quelque chose un jour, mais mon milieu professionnel, cadre de santé à l’hôpital, m’a conduit ailleurs. J’en suis très contente aujourd’hui. Je fais ce métier parce que j’aime les gens, donc ce qui rejoint le commerce, c’est le métier de Romain. On veut être accessible, on veut être dans le partage. Moi, je suis dans l’aide à la personne. Mon métier de cadre, c’est pour aider aussi les équipes. Donc, j’ai ce côté management, prendre soin des équipes, développement de projets, et j’en souffle à petit niveau pour le magasin. Je me sers de mes compétences pour aider au développement de tout ça. Puis après, moi, l’hôpital, c’est l’hôpital public parce que j’aime le service public, de ce qu’on peut en faire. C’est très important. On a un très beau système de santé en France. Malgré tout ce qu’on entend de négatif, il y a beaucoup de pays où c’est bien plus difficile que chez nous. Il faut l’entendre, parce que ce sont des gens qui passent du temps, qui passent beaucoup de leur temps à l’hôpital.
Ta boisson favorite ? La bière
Vin blanc, rouge ou rosé ? Blanc, personnellement
Un nom de bière qui te vient tout de suite à l’esprit : Vault City
Quelle est la demande la plus atypique ?
Des bouteilles pour des divorces ? C’est arrivé. Un monsieur venait fêter son divorce. C’est des choses qui font toujours sourire, parce qu’on ne sait pas trop quoi dire. Je ne savais pas trop quoi dire… désolé ? Et lui qui me répond : « Non, il faut dire bravo ! » (rire)
Le produit le plus fou que tu as proposé dans la boutique ? C’est le Graal. Le whisky le plus vieilli en France, c’est un 21 ans, fait par la Distillerie Eddu en Bretagne. Je trouve ça génial. Un seul fût, donc environ 320 bouteilles, et on avait la 174e. On n’en avait qu’une seule.

T'as ti vu ce qu'en pense l'équipe ?
Une rencontre aussi pétillante qu’un bon champagne ! Romain nous a embarqués avec son énergie communicative, tandis que Charline a su apporter cette touche de douceur qui rend leur duo irrésistible. La Cave à Pépé, c’est bien plus qu’une simple cave à vin : c’est un voyage gustatif et culturel, une invitation à découvrir, apprendre et savourer. Avec des conseils éclairés et une bonne humeur contagieuse, Romain saura trouver le flacon parfait pour chaque occasion (et chaque budget !). Alors, laissez-vous tenter, poussez la porte, et préparez-vous à vivre une expérience aussi enrichissante que conviviale.
Interview réalisée à la Cave à Pépé
le 08/10/2024 avec la participation
de Romain et Charline
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