Partager la passion du livre avec et pour tous
Au rez-de-chaussée des immeubles de la rue Hippolyte Boyer, à quelques foulées du Val d’Auron, se cache une librairie au cœur d’or, Le Tourne-Livres. Forte de plus de 40 bénévoles, cette association met tout en œuvre pour proposer des livres à petits prix afin de faciliter l’accès aux livres, mais également des ateliers, de l’aide à la lecture, des conférences, des événements… Bref, tout est fait ici pour mettre la langue de Molière au centre de l’humain et de la bienveillance.
Alors Hélène, d’où venez-vous ?
Je suis originaire du Pas-de-Calais, mais je suis arrivée ici en 1979. Mon mari était de la Loire, il a donc fallu trouver un terrain d’entente, qui est aujourd’hui un centre de gravité étant donné que nos trois enfants sont éparpillés dans toute la France. Quand nous sommes arrivés, la ville nous a bien convenu par sa taille, sa diversité culturelle, et les possibilités qu’elle offrait. Le petit plus, c’est que nous nous sommes installés à Asnières-les-Bourges, un village dans la ville.
Comment les livres ont-ils fait leur apparition dans votre vie ?
Je viens d’une famille qui n’était pas forcément intellectuelle, mais de grands lecteurs ; j’ai donc toujours été accompagnée par des livres depuis ma petite enfance. J’ai appris à lire à 3 ou 4 ans sur les genoux de ma mère. C’était avec des livres d’apprentissage qui représentaient les lettres sous forme de dessins pour découvrir l’alphabet, puis après c’étaient les livres qui traînaient à la maison, comme Le Club des cinq ou les Tintin, des livres d’aventure et toutes sortes de livres. Il est resté évident que je devais m’entourer de livres. Ensuite, mes études de lettres à Lille m’ont menée à l’enseignement, et je suis devenue professeur de français au collège Saint-Exupéry.
C’est comment le métier de prof ?
Le métier de professeur en collège est passionnant. J’ai enseigné pendant 25 ans, puis j’ai pris une retraite anticipée pour des envies de changement et de disponibilité avec ma famille. C’est beaucoup de travail, de gestion de classe, de devoirs à corriger, d’organisation avec les collègues, mais c’est aussi très varié. J’aimais organiser des concours, des voyages…
Comment choisit-on les livres qui vont être proposés à ses élèves ?
Il y a un programme à suivre sur le type d’œuvre à étudier par classe et par année, mais nous avions une certaine liberté sur le choix des livres. J’aimais bien demander à mes élèves d’apporter des livres qu’ils avaient découverts par eux-mêmes pour en parler aux autres. J’aimais aussi trouver des romans originaux qui donnent envie de lire, parfois ça fonctionne avec certains, avec d’autres non. Par exemple, il y a «Le Pays où l’on n’arrive jamais» d’André Dhôtel, ou «L’Autre» d’Andrée Chedid. Parmi les classiques, un de mes succès a été «Le Cid» de Corneille. C’était avec une classe de quatrième qui a adoré, ils ont joué des scènes, et c’est toujours agréable de tenter des choses qui plaisent. Sinon, on lisait beaucoup d’extraits dans les manuels. Il y a des passages de textes abordables qui amènent à réfléchir d’auteurs très variés.
Comment ça se passe la vie de la Librairie ?
C’est très chouette. Nous comptons environ 40 bénévoles et 300 adhérents, et nous sommes également reconnus association d’intérêt général. Grâce à la ligue de l’enseignement, nous avons récemment fait un DLA (Dispositif Local d’Accompagnement) qui a permis de faire un bilan. Nous avons tout mis à plat, afin de remettre à jour notre charte commune et de mieux répartir les activités et les responsabilités de chacun.

D’où vient l’idée de créer l’association Le Tourne-Livres ?
Je suis arrivée à la retraite en 2003, et je cherchais à faire autre chose. J’étais en relation avec des personnes de la Chancellerie qui ont lancé une bibliothèque de rue avec un landau et venaient au bas des immeubles pendant que les enfants traînaient dans la rue, pour leur raconter des histoires, les faire jouer et leur donner envie de lire. C’est une dame qui faisait partie d’ATD Quart Monde, et dont l’une des activités était la bibliothèque de rue. Ça a très bien fonctionné, les gens étaient contents de donner des livres qui revivaient auprès d’enfants. Nous recevions beaucoup de livres et nous avons commencé à vendre. Quand la Ligue de l’Enseignement a repris la bibliothèque de rue, nos ventes ont permis d’aider à acheter un camion et à approvisionner en livres. Puis finalement, nous avons décidé de monter notre propre association, Le Tourne-Livres. À cette époque, nous transportions les livres dans nos coffres de voiture et ils étaient stockés dans un sous-sol.
Que se passe-t-il les années suivantes ?
En 2014, nous avons finalement réussi à avoir notre première boutique dans le quartier du Moulon, rue Adélaïde Hautval, juste à côté de l’école du Grand Meaulnes. Ce lieu nous permettait également d’avoir une salle de réunion et d’activités pour les ateliers. Finalement, en 2019, Val de Berry nous a annoncé que l’immeuble allait être démoli… Nous devions absolument nous reloger avant qu’il ne soit détruit, et il n’y avait pas beaucoup de propositions. Finalement, on nous a proposé ici, au 16 rue Hippolyte Boyer, qui était auparavant un commissariat puis une auto-école. Changer de quartier a été un vrai choc, nous avions nos habitudes, nos relations, des contacts avec des associations voisines, et là nous nous retrouvions à l’autre bout de la ville dans un quartier que nous ne connaissions pas. Finalement, ça a re-motivé toute l’équipe, c’était un nouveau départ, un espace plus grand. En même temps, il y avait 16 000 bouquins à déménager en 3 jours, donc du travail collectif !
Pouvez-vous présenter le concept du Tourne-Livres à nos lecteurs ?
L’idée du Tourne-Livres, c’est de redonner une seconde vie aux livres qui encombrent chez certains pour les rendre accessibles à d’autres. Nous recevons des dons de livres, les gens nous les apportent, ensuite nous les trions, puis nous les remettons en circulation dans les pièces et les rayons de la boutique en les vendant à petits prix. Certains livres sont également donnés à des écoles sous forme d’ateliers et de jeux. Autour du livre, nous organisons également des événements, cela peut être des soirées polar, des soirées lecture, des ateliers créatifs sur des livres mis au rebut, des ateliers de calligraphie, de dessin, mais aussi des conférences mensuelles sur divers sujets. Pendant l’année scolaire, nous proposons aussi de l’aide à la lecture pour des enfants qui ont besoin d’être aidés et soutenus dans leur apprentissage. Nous avons également un club de lecture pour les bénévoles, qui échangent sur un même livre qu’ils ont lu dans le mois. Nous nous déplaçons dans les écoles où nous faisons gagner des livres à des collégiens et lycéeens, nous allons aussi à la maison d’arrêt. Les Ehpad et d’autres établissements sont dans nos projets. Il y a un réel souci de lien social avec les gens, et cela depuis la bibliothèque de rue. Nous ne sommes pas un commerce, nous essayons de rendre le livre accessible à tous et de toucher un maximum de gens. Nous avons également un camion qui nous permet d’être présents sur différents lieux d’avril à octobre. On peut le trouver au marché de la Chancellerie, au marché du Val d’Auron, mais aussi à Baugy.
Et cette nouvelle vie de quartier alors ?
Nous travaillons beaucoup avec les associations locales, et en particulier celles du quartier comme la Régie de Quartier, l’APLEAT ACEP, le centre social et les Restos du Cœur. Notre souci est de toucher toujours d’avantage les habitants de ce quartier populaire. Nous essayons toujours de les rencontrer et de fédérer pour travailler ensemble. Nous avons ressenti une réelle différence avec l’arrivée des bus gratuits. Les gens se déplacent beaucoup plus facilement et n’hésitent pas à venir nous voir. Il y a même une ligne directe qui permet à des habitants de notre ancien quartier de nous retrouver.
Vous recevez beaucoup de livres ?
Nous recevons des livres presque tous les jours, c’est formidable. Les seuls livres que nous refusons sont ceux en mauvais état et les encyclopédies. Tous les livres que nous ne pouvons pas garder après le tri sont redistribués à Emmaüs, mais aussi dans les boîtes à livres de Bourges. Quand la ville a instauré les boîtes à livres, c’est notre association qui a été contactée par la médiathèque de Bourges pour faire le premier apport et amorcer le projet. Pour la première sélection, c’est à force d’expérience que nous avons su quels livres choisir plutôt que d’autres. Nous savons que les romans policiers marchent très bien, les bandes dessinées, les livres pour enfants également, certains livres récents, des classiques.
L’intervention de Marie, salariée de l’association Le Tourne-Livres
Je suis bénévole de l’association depuis 10 ans, et depuis février je suis salariée. Ici, je m’occupe de l’animation de la boutique, de l’organisation des divers événements, de l’accueil des gens et de la gestion de la boutique, de la réception des livres, et aussi de toute la communication. En fait, ce sont plein de petites choses au quotidien.
En quelques chiffres, le Tourne-Livres, c’est environ 48 000 livres qui entrent par an, soit une moyenne de 4 000 livres et un passage de plus de 250 personnes par mois.
Nous sommes ouverts du lundi au samedi pour accueillir les gens et réceptionner les livres.
Quels sont vos livres du moment ?
J’ai adoré lire Proust quand j’avais une vingtaine d’années, mais je ne suis pas sûre que je le relirais en entier aujourd’hui. Maintenant, en plus de mes livres de passage, j’ai découvert les romans graphiques avec mes enfants, comme «Chroniques de Jérusalem» ou «L’Arabe du futur».
Le livre le plus demandé au Tourne-Livres ?
Toutes générations confondues, «Le Petit Prince», et de très loin, car on nous le demande tout le temps. Chaque année, nous faisons un petit tirage au sort à Noël, et l’an dernier nous avons fait gagner «Le Petit Prince» dans un joli coffret. Il y a beaucoup d’amateurs de BD, de romans policiers, de livres sur le Berry.
Votre meilleur souvenir dans l’association ?
La toute première boutique en 2014, le fait que Bourges Habitat nous accorde un lieu pour notre activité, c’était un grand bonheur. Nous avions notre propre espace, un beau lieu de vie et d’accueil pour l’association.

T'as ti vu ce qu'en pense l'équipe ?
Hélène et Marie ont su nous accueillir et nous faire visiter leur bouquinerie associative avec beaucoup de gentillesse, mais elles ont également réussi à nous faire partager leur passion et leur dévouement sans faille pour rendre les livres accessibles à tous. Bien plus qu’une librairie, de par ses engagements et ses activités annexes, Le Tourne-Livres demeure une association essentielle par le soutien qu’elle apporte aux autres.
Interview réalisée chez le Tourne-Livres
le 28/07/2024 avec la participation
d’Hélène Pointu et Marie Avril
Tous droits réservés à l’association Tativu