Les Restos du Coeur : “ C’est pas vraiment de ma faute si y’en a qui ont faim, mais ça le deviendrait si on y changeait rien.”
Cette phrase, nous l’avons tous entendu au moins une fois dans notre vie. Quand vous rencontrez les membres des Restos du Cœur, vous comprenez également qu’elle n’a pas été dite en l’air, car certains ont compris que c’était un appel à l’aide. Brigitte et Maryse, qui ont accepté de nous raconter leurs histoires, nous livrent aujourd’hui un dévouement chargé d’émotion et de gentillesse.
Présentation de Brigitte
Brigitte : C’est parti, alors je m’appelle Brigitte, j’ai 68 ans et je suis responsable du centre du Val d’Auron à Bourges depuis 2019. Je suis née en Allemagne, mon père était militaire donc j’ai eu beaucoup de déménagements pendant mon enfance et je suis arrivée à Bourges dans les années 75. Là, j’ai fait un BTS en secrétariat de direction au Lycée Jacques-Cœur. Voilà. Et puis je suis à Bourges depuis. Alors ma carrière, je suis en 77 quand j’ai eu mon diplôme, j’ai été embauchée aussitôt par les supermarchés Major à l’époque qui sont devenus STOC puis Carrefour Market que l’on connait aujourd’hui. Toute ma carrière a été faite dans la grande distribution.
Présentation de Maryse
Maryse : Moi non plus je ne suis pas de la région, je viens du département de l’Aisne, donc plus au nord. Mon mari était conseiller de gestion dans le 02 et nous sommes venus dans le Cher en 1984 pour reprendre l’exploitation agricole. J’ai découvert le Berry à ce moment-là.
La rencontre avec les convictions de Coluche.
Brigitte : Un an avant d’être en retraite, je cherchais ce que je pouvais faire. Je ne me voyais pas rester chez moi, donc je suis allée au forum des associations et j’ai fait le tour. Je voulais me tourner vers l’humanitaire. J’ai rencontré sur le stand des restos du Cœur une personne, c’était Marie Edith, et j’ai discuté avec elle. J’ai rempli un petit questionnaire à l’époque et puis j’ai dit Ok, je vais essayer. Et donc je suis rentrée aux restos en janvier 2018.
Maryse : Avant de rentrer aux Restos, pendant 5 années, j’étais dans une Association visiteur des malades dans les hôpitaux. J’ai dû arrêter, mais au bout d’un certain temps, cela m’a vite manqué et suite à une annonce dans le Berry. J’ai proposé ma candidature, voilà comment je suis arrivée aux restos et cela fait maintenant 18 ans que je continue à apprécier cette association qui a des valeurs.
Premières expériences
Brigitte : Au début, on commence par la distribution, comme tout le monde. Notre mission à ce moment-là, c’est d’accueillir et accompagner les personnes qui viennent chercher leur nourriture. Et sinon, je faisais également la préparation le matin, c’est la préparation avant la distribution, on fait le tri, la mise en rayon, le nettoyage. Dans tous les cas, notre rôle, c’est d’aider, de conseiller, de comprendre les personnes qui viennent. C’est aussi un lien social très fort, car on discute avec les gens, on leur explique comment cuisiner tel ou tel produit, on échange sur leurs situations, on les écoute.
Maryse : J’ai commencé exactement par la même chose en fait. La base lorsqu’on devient bénévole, c’est la distribution, cela nous permet d’être en contact avec les personnes accueillies et de comprendre notre rôle envers ces personnes qui sont dans le besoin. Des situations difficiles souvent qui nous font réfléchir sur nous-même.
La suite de l’aventure
Brigitte : On m’a ensuite proposé de participer à un atelier de Français. J’ai été formée pour ça, parce que l’objectif, ce n’est pas de donner des cours, c’est d’inculquer des notions de Français pour qu’ils aient des bases, savoir dire bonjour, merci, savoir s’exprimer. Les rudiments pour s’exprimer. Certains ne sont jamais allés à l’école, donc on commence par l’alphabet. Et puis un jour, juste avant l’ouverture de ce centre, on m’a proposé d’en devenir responsable. Ma première réaction a été de refuser. Ça m’a fait peur sur le coup, et je pensais manquer d’expérience dans l’association.
Maryse : En faisant la distribution, on m’a proposé de faire les formations pour être inscripteur, ensuite au fil des années, on m’a proposé de faire partie de l’équipe de formation, puis je suis devenue responsable du centre de St Doulchard pendant 4 ans, ensuite responsable des appros, et j’ai terminé par Responsable départemental. Il y a eu des moments difficiles avant d’accepter. Mais toutes les fonctions sont intéressantes aux Restos. D’autant plus que nous avons accès à des formations.
Comment peut-on prétendre à une aide des Restos du Cœur ?
Brigitte : Il y a deux périodes d’inscription, en été et en hiver. Chaque personne est mise en face de notre barème, on prend en compte la situation, les moyens, mais aussi les factures de gaz, d’eau, d’électricité, parce que certaines familles ne peuvent plus payer leurs factures. Quand les personnes sont acceptées, elles peuvent venir une fois par semaine, selon un planning et un système de points, pour venir récupérer ce dont elles ont besoin.
Qui sont les gens qui viennent ici ?
Maryse : On a beaucoup de familles monoparentales, les mamans seules avec enfants, des personnes à la retraite, des étudiants. Il y a aussi beaucoup de personnes seules, des demandeurs d’asile et des familles nombreuses. Ça peut arriver à n’importe qui, n’importe quand, et il ne faut surtout pas en avoir honte. Il y a encore trop de gens qui n’osent pas franchir la porte de peur du jugement. Au contraire, on est là pour apporter de l’aide et du soutien.
Le bonheur reprend toujours le dessus
Maryse : Ça nous change nos réflexions de la vie. Lorsque nous faisons la collecte nationale, certaines personnes nous disent : « Je vais vous donner parce que peut-être qu’un jour, j’aurai besoin de vous, on ne sait pas ce qui peut nous arriver ». À contrario, certaines personnes qui nous font des dons, sont ceux qui n’ont pas beaucoup, mais qui nous donnent quand même et qui nous disent « vous m’avez aidé, à mon tour de vous aider ». Ça fait énormément de bien.
Brigitte : il n’y a pas longtemps on a eu une bénéficiaire , alors là,, alors là, elle avait la banane, on lui demande : « Et bien, qu’est-ce qui vous arrive ? », et elle nous répond « j’ai trouvé du travail ». C’est un soulagement, et puis ça nous fait plaisir aussi, on n’a pas fait tout ça pour rien. On a aussi des bénéficiaires qui sont bénévoles chez nous, qui veulent aider et participer.
Racontez-nous votre journée type
Brigitte : J’arrive, il est 8h30 au centre le matin, la première équipe du matin arrive, on fait le point ensemble avant de commencer. Ensuite, je vérifie mes mails et fait une partie de l’administratif, puis je donne un coup de main à la préparation. Après, on coupe le midi, et la deuxième équipe arrive à 13h30, on refait un autre point ensemble puis la distribution peut commencer.
Maryse : Alors moi, ma journée type, c’est plus du tout la même. En général, je suis au centre de Saint-Doulchard car les bureaux du département sont là-bas, et c’est surtout de l’administratif. Dans le département, il y a huit centres et deux autres initérants ( des camions qui vont dans les petites communes ). Il faut répondre aux problèmes de chacun, s’intéresser aux appros, aux ramasses, prendre des rendez-vous pour faire connaitre les restos et notre fonctionnement.
La ramasse, qu’est ce que c’est ?
Brigitte : La ramasse, c’est quand on contacte les magasins pour leur demander s’ils acceptent de nous donner les invendus. Aujourd’hui, les grandes surfaces nous donnent de moins en moins ou plus du tout, soit à cause de la loi anti-gaspi, soit parce que l’enseigne a mis en place une nouvelle organisation Aujourd’hui ceux qui nous aident le plus, c’est Grand-Frais aux Danjons et la Bio Coop. On les appelle avant, et on passe récupérer les produits qui ne peuvent plus être vendus.
Maryse : Pour le reste, on doit passer des commandes aux appros départementale et nationale, là, ce sont eux qui gèrent les produits que nous n’arrivons pas à trouver, comme pour les bébés, les enfants, les conserves, les besoins de première nécessité. Maintenant, il y a aussi un prospecteur, et son rôle, c’est de démarcher des entreprises et des agriculteurs locaux. Sur huit centres, six font de la ramasse.
Une aide toujours plus humaine
Brigitte : Avec les Restos du Cœur, l’aide que nous apportons n’est pas qu’alimentaire. Il y aussi les cours de français, le soutien culturel qui permet au gens d’aller au cinéma, à la maison de la culture, et les sorties, comme la journée pour les enfants au Zoo de Beauval, d’ailleurs, la prochaine sera à l’Odyssée du Berry. Pour les personnes seules, aussi, le centre essaie de proposer des sorties ou des vacances, mais ce n’est pas toujours évident. On est aussi aidé par des associations locales qui nous permettent d’élargir l’aide que nous apportons.
L’extraodianire soutien de « Sam en Foire »
Maryse : C’est une troupe qui bénévolement organise des spectacles sur Saint-Amand, et qui reverse ses bénéfices aux Restos du Cœur d’ici. C’est du chant, du théâtre, de l’humour, un vrai show quoi. On peut dire que ce sont les enfoirés du Berry. Ils vont même dans la Nièvre, l’Allier, l’Auvergne et le Loir-et-Cher pour faire des représentations. C’est l’entreprise d’auto-école Blasquez qui a mis cette troupe en place depuis seize ans maintenant.
Les Restos du Cœur leur doivent un grand merci.
Comment aider les Restos du Cœur ?
Maryse : Pour devenir bénévole, il suffit de contacter le centre dans lequel vous voulez aider. Il y aura toujours quelqu’un pour vous répondre et vous expliquer comment ça fonctionne. Pour les dons financiers, il faut directement l’envoyer à l’AD18. Et pour finir, sans avoir besoin de s’engager, il est possible de nous retrouver dans les supermarchés pour les collectes annuelles, soit pour donner quelque chose, soit comme bénévole.
La première distribution de Brigitte
Quand j’ai fait ma première distribution, quand j’ai vu la queue de personnes, au bout d’une heure, j’ai été obligée de sortir. Ça marque beaucoup. Je n’imaginais pas la situation … Après, j’ai dit « il faut que je le fasse ». Ça correspondait vraiment à ce que je voulais faire parce que c’est émouvant. On tisse des liens avec les bénévoles, les familles. Il y a des liens qui se font à force de discuter et d’échanger.
Les premiers moments de Maryse.
Je rentrais chez moi le soir et je me disais : « Tu n’as plus le droit de te plaindre ». C’est vrai, quand on repense à ce qu’on a fait dans la journée aux Restos du Cœur, c’est poignant. Quand vous voyez une maman seule avec un bébé de trois semaines dans les bras et qui logeait dans la rue, on ne peut pas rester insensible. On a cherché partout pour la placer, mais il n’y avait plus aucune place de libre.
N’oublions pas que les Restos du Cœur sont là pour l’aide alimentaire mais aussi pour l’Aide à la personne, écouter et rendre un sourire est si important
T'as ti vu ce qu'en pense l'équipe ?
Si Coluche a su ouvrir la voie et porter son message à bout de bras, il peut aujourd’hui être sûr qu’il a été entendu. C’est dans la volonté et le dévouement de ces bénévoles que nous comprenons l’importance de leurs actions. C’est le destin de milliers de vies, que jour après jour, les Restos du Cœur tentent d’améliorer, en apportant de l’aide, du réconfort, mais surtout, un peu d’humanité. Si vous vous sentez touché par ce message, vous savez dès à présent, qu’une aide sera toujours appréciée, quelqu’en soit la provenance et la mesure.
« Sans lui, ça n’existerait pas, sans vous, ça n’existerait plus ».
Interview réalisée dans le centre des Restos du Cœur du Val d’Auron, le 14/02/2024 avec la participation de Brigitte et Maryse.
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