Pub O'Brian's : L’Âme Irlandaise au Cœur du Berry
Au 9 rue Barbès, quand la nuit vient à tomber, une certaine magie opère. Les lumières au-dessus de la lourde porte rouge s’allument, et les chopes de bières se remplissent tandis que la cheminée commence à crépiter au rythme de la musique irlandaise. Nul besoin de franchir la Manche pour découvrir le Temple Bar, car Fabien a su reproduire avec exactitude l’ambiance chaleureuse d’un véritable Pub Irlandais dans notre contrée Berruyère. Il nous livre aujourd’hui son histoire d’amour avec ce lieu, devenu aussi mythique qu’incontournable.
Fabien avant le Pub
Je suis né à Bourges il y a quarante-huit ans. Le seul moment où je suis parti d’ici c’est pour aller faire mes études à la faculté de Tours en science et économie. Quand je suis revenu, j’ai ramené avec moi quelque chose que j’ai découvert là-bas, les boutiques de CD d’occasion. On est en 1997, j’ai vingt et un an et je décide d’ouvrir le Temple Musique rue d’Auron. Dans la boutique, tu peux y trouver des disques, des vinyles, mais surtout de la musique que je fais importer d’Angleterre, et que je trouve également aux puces de Londres. On y trouve aussi des affiches de cinéma, de la carterie, et la boutique est un vrai succès. Cette histoire-là s’arrête en 2001 lorsque les grandes enseignes de distribution arrivent à Bourges, mais c’est également le début de la vente sur internet. Suite à ça, je reprends un garage où je vends des voitures d’occasion, de 2001 à 2007.
L’histoire du Pub O’Brian’s
En 2002, je viens pour la première fois au Pub O’Brian’s. Je suis client, mais je suis surtout émerveillé par la beauté de l’établissement. Le Pub a été créé en 1999 par Monsieur Jean-Louis Collet, un passionné de l’Irlande, qui était le directeur commercial des Sirops Monin. Il s’est mis en relation avec Philippe Larzul, un agent immobilier très connu à Bourges, afin de lui trouver un emplacement pour créer le Pub en centre-ville, et c’est cet agent immobilier qui a insisté pour qu’il soit implanté au 9 rue Barbès. Suite à l’achat du bâtiment, il a pris les services d’un architecte, Monsieur Charpagne, et ensemble ils ont créé la magie de ce lieu en important tout le mobilier et la décoration, directement d’Irlande. Le Pub est ensuite repris en 2002 par Alexandre Mathias, et je fais sa connaissance par hasard. Je venais de finir ma journée de vendeur de voitures, il était neuf heures du soir, j’étais invité chez des amis, rue de Mazières, et je n’ai rien à ramener. Je m’arrête au Pub et je lui demande de me dépanner, et il m’a donné une bouteille de champagne, en me demandant de lui en ramener une le lendemain. Suite à ça, je fais aussi quelques extras avec lui pour lui donner un coup de main, car il est seul derrière le comptoir à l’époque.
La naissance du projet
Un jour, Alexandre me dit qu’il veut vendre le Pub. Il a fallu du temps et de la patience pour réussir à trouver le bon équilibre. C’est d’abord un chef d’entreprise qui était client, qui a voulu racheter. Il avait senti ma sensibilité pour ce lieu, mais ça n’aboutit pas, et je laisse tomber le projet. Finalement, c’est l’entremetteur du Pub qui un samedi matin m’appelle pour me dire qu’il avait trouvé une solution de financement. Mon sang n’a fait qu’un tour, j’ai appelé Alexandre et on s’est mis d’accord. J’avais 29 ans, et l’aventure pouvait commencer.

Les premiers pas derrière le comptoir
En premier, il a fallu trouver un directeur. Malheureusement, ça n’a pas fonctionné avec le premier, et je me suis retrouvé avec deux entreprises sur les bras, dont le Pub O’Brian’s en très grande difficulté. Pendant deux ans, j’ai travaillé la journée dans mon garage, et le soir, je commençais ma deuxième journée au Pub. Mon père m’aidait en faisant l’ouverture le temps que je ferme le garage, avec mon serveur Yannick. En 2008, il y aussi deux choses qui ont impacté l’économie du Pub. La première, c’est la crise du Subprimes, et la seconde, c’est l’arrêt du tabac dans les lieux publics. Il faut savoir que dans le pub, il y encore les buses vertes le long de la poutre qui servaient à absorber la fumée. À l’époque, quand tu avais quatre-vingts clients dans le pub, sans ça tu ne voyais plus rien.
Un très bon souvenir de cette période, c’est une entreprise locale qui venait régulièrement au Pub, ils étaient environ quatre-vingts à chaque fois, et toujours en pleine semaine. Quand l’arrêt du tabac dans les lieux publics rentre en vigueur, je me retrouve avec la moitié dehors, en train de fumer. Et là, la police arrive. La grande nouveauté, c’était le bruit maintenant des gens qui gênaient les riverains, et ça on ne l’avait pas prévu. La police est repartie, et là, il s’est passé quelque chose. Tout le monde est rentré à l’intérieur, ils ont pris un verre à pinte, et ils ont mis 170 € en espèce dedans, en me disant : « Fabien, c’est pour l’amende ». Ce n’est pas l’argent qui m’a touché, c’est le geste, qu’ils y aient pensé, alors que rien ne les obligeait.
La conviction Irlandaise
À partir de 2009, je prends les choses en main, et malgré toutes ces péripéties, je me lance corps et âme dans le Pub. C’est d’ailleurs cette année-là que pour la première fois, le Guide du Routard nous sélectionne pour apparaître dans le numéro de l’année suivante. Tout va changer ensuite, j’ai rencontré ma femme, nous avons deux enfants, j’ai fêté mes trente ans ici, mes quarante ans, si tout va bien, je ferai les cinquante. S’en dégage beaucoup de bonheur, des clients très fidèles, des Saint Patrick magiques, des moments fabuleux.
Le maître des lieux
Depuis le départ, quand je reprends le Pub, j’ai une idée qui s’installe et qui ne me quitte pas, faire un agrandissement. Voir les gens qui le vendredi et le samedi, les jours de concerts et de fêtes, qui ne pouvaient pas rentrer parce qu’on était complet, ça me rendait fou. En 2010, j’ai la chance de pouvoir racheter les murs à Madame Collet, une dame pour qui j’ai toujours eu un profond respect. Je lui explique que j’ai envie d’agrandir, que j’aime cet endroit et que j’ai envie d’y rester, mais pour ça, j’ai besoin de devenir le maître des lieux. On se met d’accord pour l’estimation des murs en buvant un verre en terrasse au Windsurf. S’il y a bien quelque chose qui me rend triste dans cette histoire, c’est que j’ai cherché à la contacter quand j’ai fait l’agrandissement. Je voulais lui montrer comment j’avais transformé le Pub de son mari, mais je n’ai jamais retrouvé ses coordonnées depuis qu’elle est partie de la région.
Le grand changement
En 2012, j’ai commencé la démarche pour obtenir un permis de construire, mais le résultat ne me convenait pas. Il fallait mettre un escalier en colimaçon dans la salle principale, l’étage était beaucoup plus petit, l’escalier de secours devait lui aussi être dans la salle principale…. C’était des travaux titanesques pour un tout petit étage. J’abandonne le projet, car par dessus tout, il était hors de question de défigurer le Pub. Et en 2019, j’ai un client pompier au Pub, qui me guide vers la commission de sécurité, qui elle a fait un travail formidable en reprenant tous les plans, en adaptant les issues de secours et en validant le plan final. Là, je me retrouve avec un super projet de grenier aux poutres apparentes qui devient un nouvel étage de 200m2.
Le doute avant la réussite
En janvier 2020, j’écoute qu’à Milan, à 18h les bars sont fermés à cause de la Covid. Le 14 mars, le Premier ministre passe à la télévision pour annoncer la fermeture des lieux publics, trois jours avant la Saint Patrick. Pendant cette fermeture, je stoppe tout le projet d’agrandissement, parce qu’on est tous dans une grande incertitude. Comment passer cette étape ? Quand ça va prendre fin ? Comment va repartir l’activité ? Début avril, je vais voir mon père, qui a soixante-douze ans maintenant, et je lui explique ma situation. Mon père me dit : « Il faut le faire, ça fait quinze ans que tu as ce projet, alors fais-le. On s’est sorti de la Peste, on s’est sorti du Choléra, là aussi, on va s’en sortir ». Je suis reparti, j’ai pris mon téléphone, j’ai appelé les copains artisans, et le projet était lancé.
La pierre de Fabien à l’édifice
On a profité de la fermeture pour lancer les travaux, étant donné que les artisans pouvaient travailler. On a travaillé d’avril à août sans arrêt, pour réouvrir le 12 septembre, avant de refermer pour le deuxième confinement, jusqu’à la réouverture définitive. Après cette crise, le Pub a fait peau neuve. On est passé à l’étape suivante, dans l’esprit de s’adapter au XXIe siècle tout en lui laissant son charme. Il y a le mur à bières, la borne de rechargement pour la carte, des prises USB pour que les gens chargent leurs téléphones, une télé sur chaque mur pour que tout le monde puisse voir les matchs, une nouvelle cheminée. Pour la petite histoire, les poutres qui ont été sciées pour faire le trou qui permet de voir l’étage, elles ont été recoupées pour faire les pieds des tables de l’étage.
La carte et ses nouveautés
Il y a maintenant une vraie cuisine, j’ai embauché un chef pour proposer en plus des tartines de vrais plats, comme les burgers, les potences, et les desserts. C’est toujours dans la volonté de proposer le meilleur à mes clients. Le pain des burgers vient de la boulangerie d’à côté, la Féerie des Délices, le Chef fait ses sauces maisons, les frites sont maison aussi, le saint-nectaire dans les planches, c’est du vrai, au lait cru. La cuisine est ouverte du mardi au samedi jusqu’à minuit.
Les grands ( et bons ) moments du Pub
Les lettres de noblesse du Pub, c’est la joie et la bienveillance du lieu. C’est la foule dans la rue Barbès pendant la Coupe du Monde du Rugby, les gens qui viennent en famille manger et passer un bon moment, les concerts, les soirées pour l’anniversaire du Pub, les gens qui chantent…
On peut dire qu’on a une clientèle magique. Les gens ont toujours été fidèles, que ce soit avec le changement des équipes ou les fermetures suite à la Covid. J’ai toujours voulu accueillir chacun dans le Pub comme s’il venait chez moi. Le bar est toujours propre, l’accueil est chaleureux, mais les gens nous le rendent au centuple. Même si c’est un boulot difficile, par les horaires et le rythme, c’est toujours réconfortant de savoir qu’on le fait pour ceux qui apprécient le moment qu’ils passent ici et qui sont attachés au Pub.
J’ai un couple avant le confinement qui est venu avec un couffin. Ils ont posé le bébé sur la table de la cheminée et m’ont dit : « Bonjour Fabien, on vient vous présenter l’enfant de l’Obrian’s ». En fait, ils se sont rencontrés ici. Ça, c’est magique, c’est exceptionnel.
Un grand merci également à un homme qui m’a beaucoup aidé, c’est Monsieur Jean-Marie Gay, de la Cave Sélection et Millésimes. Il m’a beaucoup appris concernant les whiskies irlandais, mais aussi le développement de la carte des Rhums.

T'as ti vu ce qu'en pense l'équipe ?
Fabien est un homme entier. Il parle fort, mais c’est toujours avec le cœur, il vit ses émotions, parce qu’elles sont authentiques, et si le Pub O’Brian’s fonctionne aussi bien, c’est parce qu’il l’aime tout autant. Ce lieu a connu de nombreuses transformations au fil du temps, reflétant la volonté constante de son propriétaire de l’améliorer afin d’offrir une meilleure expérience à ses clients. C’est un endroit chaleureux, de partage et de vie, où l’on peut aisément se laisser bercer dans un canapé en mangeant, entre amis ou en famille, ou célébrer la joie devant un match, un concert, ou pendant la Saint-Patrick.
Interview réalisée dansle Pub O’Brian’s le 30/01/2023
avec la participation de Fabien Arnould
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